jeudi 5 septembre 2013

Jour 63 - Cape May, New Jersey, USA - 700 km environ

Salut à tous ! 
Denise, moi et Pierre, devant la grange
fraîchement restaurée, à la veille du départ

Oui... je sais, mais que voulez-vous, je n'ai pas trouvé d'ordinateur sur ma route depuis, ou je n'ai pas eu ou pris le temps d'utiliser ceux qui auraient pu être à ma portée. Tout s'est enchaîné si rapidement, pris dans ce flot continu de nouvelles aventures, m'arrêter pour vous les conter était impossible.

Anyway, comme ils disent, me voilà ! Et je n'ai que 50 minutes de connexion pour le faire !

La dernière fois, j'étais encore au Canada, m'apprêtant à quitter mes formidables et inoubliables hôtes, Pierre et Denise.
Notre émouvante relation, ressemblant à celle que pourraient entretenir des grands-parents avec leur petit-fils, s'est donc finalement terminée après que Pierre et moi ayons fini de rénover deux des murs de la grange. Les jambes parcourues de fourmillements à l'idée de reprendre la route à pied, et de me rapprocher toujours un peu plus des USA me poussa à les quitter non sans la gorge nouée par l'émotion. Cela restera pour sûr l'une de mes plus fabuleuses rencontres de ce voyage. Où ce que nous avons mutuellement échangé est inquantifiable et indescriptible... mais si puissant !

La chute à Picot !
En les quittant au matin, je me relance sur le sentier là où je l'avais donc quitté trois semaines auparavant : au centre du village de Saint-André. Après une demie-journée de marche, j'arrive finalement à la fin officielle du SIA au Québec à Matapedia... une étape de plus ! En continuant sur le sentier, qui nous fait franchir la rivière marquant la frontière entre le New Brunswick et le Québec, plusieurs sentiments s'entrechoquent déjà en moi.
D'ores et déjà, je ne prends plus de plaisir à marcher seul. Même si la motivation d'avancer est là, le plaisir de découvrir de nouveaux horizons au rythme lent de ma marche ne me suffit plus. A ce moment, je n'avance plus que pour une chose : atteindre les Etats-Unis et plus particulièrement l'Appalachian Trail, où, je veux le croire, je ne serai plus seul, et où, donc, le plaisir sera là !
Matapedia !

Le New Brunswick, là où passe le sentier est une grande étendue de forêts, plutôt plate et à vrai dire, beaucoup de mes lectures la décrivait comme une étape pas très excitante... il n'en fallait guère plus pour qu'à la fin de cette première journée de marche, réalisant à quel point les USA étaient encore loin (deux à trois semaines), aidé par le fait que le trail suivait une route, je tends le pouce en l'air. Ma décision était prise : je rejoindrais Katadhin, et le début de l'AT en faisant du pouce. A quoi bon s'obstiner dans quelque chose qui n'amène aucun plaisir lorsqu'on peut l'éviter ?

Bienvenue dans le Maine et aux USA !
Ainsi, le soir même, après juste deux lifts, je me retrouve à 10 km de la frontière US... demain j'y serai !
Le dernier lift qui me déposera au pied de la montagne rêvée depuis tant de mois et même d'années, mérite que je prenne le temps de vous le décrire : un vieux bonhomme de 85 ans, ridé par la vie, comme si, juste en regardant sa peau l'on pouvait lire toute son existence. Dans sa voiture, un tricycle occupe tout l'espace et c'est avec souplesse que je finis par trouver ma place dans l'habitacle.
- Et ou est-ce que tu vas ?
- Millinocket, et vous ?
- Au sud du Maine... mais je vais te déposer là où tu vas, j'y suis déjà  allé il y a longtemps.
- Mais cela va vous faire faire un immense détour ! 100 ou 150 miles au moins !
- Oui, mais tu sais, à mon âge, on a tout son temps !

Et nous voilà partis. Parfois, en auto-stop, on se fait récupérer par des gens très gentils, mais peu bavards, et j'avoue être gêné par ce silence qui s'installe parfois. Là, vraiment, je n'ai jamais eu à m'en soucier.
J'apprends très vite qu'il est un ancien professeur, mieux encore l'ancien fondateur d'une école privée.
- Et quelle genre d'école était-ce ?
- J'apprenais au gens à faire ce que tu fais.
... comme par hasard !

Mon premier ours, au détour d'un chemin !
Un petit... où est la mère ?!
En plus précis, c'était une école du genre à vous mettre dans une situation "inconfortable", genre coucher dehors, et apprendre au travers de cette expérience.
- Mon boulot, c'était de m'assurer que mes élèves allaient pouvoir se planter autant de fois qu'ils le pourront MAIS dans la situation la plus sécurisée.
J'ai adoré cette vision de l'apprentissage. Comme lui, je suis persuadé qu'une grande partie de nos connaissances proviennent d'apprentissages liés à nos erreurs.
Autant dire que l'on s'est bien entendu !

Arrivé à destination, je descends de la voiture, vraiment heureux d'avoir pu discuter avec ce "puits de connaissances" comme j'aime appeler ces vieilles personnes avec lesquelles on prend vraiment conscience de tout ce savoir accumulé par l'être humain au fil de sa vie.
Dans ce qui aurait dû être les dernières secondes de notre rencontre, il entame une confession aussi émouvante que brutale. A cœur ouvert, les larmes remplissant ses paupières.
- Merci, me dit il
- Pourquoi ?
- Parce que grâce à toi, j'ai pu encore un peu plus faire ce qui me motive à continuer à vivre. Tu sais, j'ai eu une relation très proche avec mon père, comme de vieux amis, tout au long de sa vie. A la veille de sa mort, il me rassura en me disant qu'il serait vivant à tout jamais à l'intérieur de mon esprit, et de tous les esprits de ceux qui avaient croisé sa route. C'était ça, pour lui, la vie éternelle, laisser une trace à tout jamais dans l'esprit des autres. Lorsqu'il est mort, je me suis promis de le faire vivre éternellement, en laissant moi aussi, une part de moi-même à l'intérieur des autres. Après notre discussion, je sais que cela sera le cas à travers toi. Merci pour cela.

La gorge nouée, les mots furent difficiles à trouver. Peut-être parce qu'il n'y a rien à dire. Certaines choses n'ont pas besoin qu'on les enferme dans des concepts "langagiers".
Oui... voyager en faisant du pouce, c'est ce genre de rencontres aussi. Brèves mais si puissantes que encore bien plus tard, le sentiment reste le même. Tout comme la part de cet "Old Man" qui, à tout jamais, fera partie de moi, le faisant vivre éternellement. Merci !

Depuis le sommet de Katahdin
Après l'avoir quitté, non sans émotions, je me rends à "l'Appalachian Lodge and Cafe", hostel qui, même si non affilié au sentier des Appalaches, reçoit la majorité des thru-hikers ayant terminé leur marche de plusieurs mois. Autant dire que, du jour au lendemain, le petit hiker seul sur le sentier au Canada, se retrouve plongé au cœur d'un des plus intenses moments de tout le trail : la fin, la réussite pour des personnes venant de vivre l'une des plus grandes aventures de leur vie. L'énergie qui y règne est particulière. Electrique, où la confiance en soit, la satisfaction de chacun est presque palpable dans l'air. Le bonheur, la joie, l'entraide évidemment.

J'y coucherai une nuit, préparant l'ascension de Katahdin en glanant des informations au fil de passionnantes discussions. Au petit matin, je tends le pouce pour sortir de la ville et entrer dans le Parc Baxter comme des centaines de randonneurs, à 6 h du matin.
Très vite, me voilà au pied de la montagne, mon gros sac à dos pesant une tonne, en préparation des 6 jours d'autonomie que je devrai traverser après cette ascension. La montée est dure, en particulier lorsque le sentier ressemble plus à de l'escalade qu'à de la marche, entre ses gros blocs de granit. Finalement, après 4 h de grimpette, me voilà au sommet. La gorge se noue encore... depuis combien d'années  ai-je rêvé de ce moment ? Deux, trois peut-être ! Une photo souvenir, une pause où j'en profite pour faire le point sur ma motivation, et quelques minutes plus tard, je repars, avec la volonté de continuer à marcher encore un peu, même si je n'en perçois plus le besoin.
Apres 3 ans de rêve,  j'y suis !
Quatre jours, j'aurai finalement tenu quatre jours ! Chaque soir, aux abris destinés aux randonneurs, je rencontrais de formidables personnes. Un groupe de thru-hikers, huit au total, à deux jours de terminer leur marche de 5 mois me laissent une agréable impression. La soirée aura été vraiment agréable. Mais au matin, ils s'en vont au nord... et moi au sud.

Deux jours plus tard, bien qu'aucune difficulté physique ne m'accable, je prends conscience de l'absurdité de mon entreprise.
- A quoi bon continuer quand, pour sûr, je n'y trouve plus aucun intérêt ? Serait-ce simplement par peur de ce que vont penser ceux à qui j'ai annoncé, il y a plusieurs mois de cela, que j'allais marcher tout le SIA que je continue ? Si c'est cela mon gars, arrête cela tout de suite. Si tu veux être heureux, tu connais la recette, ne suis pas le désir des autres, mais uniquement et simplement les tiens !
Alors... qu'est ce que tu veux ?
...
Découvrir le monde, découvrir les USA, me mêler à ses habitants pour tenter d'appréhender ce qu'est la vie ici. Et ne plus rester sur ce sentier qui, au contraire m'écarte de ces derniers, ou qui, au minimum, ne me montre pas le "monde réel".
Oui, c'est décidé, j'en ai fini avec le sentier !

Au loin, Katahdin
Et abandonner ce plan préparé depuis des années pour un autre ne me causa aucun regret. Au contraire, j'étais enfin heureux à nouveau, je venais enfin d'arrêter de me mentir à moi-même, je venais enfin de m'écouter, écouter mes désirs les plus profonds.

Le lendemain de cette décision, le sourire aux lèvres, je marche pour la dernière fois sur ce sentier, croisant les membres de cette communauté à laquelle je ne ressens plus le besoin de faire partie. Je suis déjà bien plus loin que mes pieds !

J'avais repéré une route, l'une des rares qui traversaient cette section du sentier. Cette route de terre allait me mener 14 km plus loin à la route principale, où, de là, je pourrais m'évader sur les routes, le pouce en l'air à nouveau, attendant que la providence me fasse de nouvelles joyeuses surprises... je n'eus pas a attendre longtemps...

Le fameux groupe de thru-hikers durant le BBQ party.
Au premier plan, couché, Maniac, mon bienfaiteur !
Encore sur cette route de terre où je m'attendais à ne croiser personne, un van s'annonce derrière moi : je le reconnais, c'est le propriétaire de l'Appalachian Lodge and Cafe qui vient de livrer de la nourriture au milieu du bois ! Comme par hasard...
Il me récupère, forcément, et me dépose ainsi bien plus tôt que prévu sur la route principale. Mais allant dans des directions opposées, nos routes se séparent à nouveau.
Planté sur mon sac à dos, au bord de la route, jouant de ma guimbarde vietnamienne, deux voitures se suivant de près et me dépassent. Remplies à ras bord, il n'y aurait de toute façon pas eu de place pour moi... sauf que... Sauf que, l'un des occupants s'appelle Nicolas, de son trail name "Maniac", et qu'il fait partie de ce groupe de hikers avec qui je m'étais senti particulièrement bien, au soir de cette deuxième soirée.
Et il m'avait reconnu !

En route pour un boat-trip sur la côte du Maine
au soleil couchant !
Quelques 30 secondes plus tard, je vois débarquer les deux mêmes voitures et un jeune homme en sortir. Habiller proprement, je ne le reconnais pas tout de suite.
- Mais qu'est ce que tu fais là ?
- Et bien, j'ai finalement décidé de quitter le sentier, j'ai envie de découvrir ton pays pour de vrai !
- Où vas-tu ?
- Je ne sais pas trop, au sud, la côte du Maine m'attire. Et vous ?
- Et bien au sud, à Brunswick. Dans le Maine... sur la côte. Tu veux venir ?

J'adore ce voyage !

Karen et sa maman. 
C'est avec elles que j'ai RDV à Dallas !
Très vite, j'apprends que le lendemain est organisé un gros barbecue avec tous ses anciens potes hikers, et plus de 50 personnes : famille, amis, cela va être une grosse fête. Et j'y suis invité de bon cœur !
Je campe dans le jardin, comme pour opérer une transition tout en douceur après cette vie dans les bois et le monde civilisé.
Je me lis d'amitié très rapidement avec une des cousines de Nicolas. Karen, 35 ans, qui a fait le déplacement depuis Dallas, au Texas, où elle vit avec son mari et ses trois enfants, pour voire cette branche de la famille qui vit loin dans le nord.
Lui exposant mon trip, ma façon de voyager, la proposition ne se fait pas attendre :
- Viens chez nous ! On a plein de trucs à te faire faire, et tu pourras te servir de notre maison pour aller à droite et à gauche. Et à vrai dire, j'ai un service à te demander en échange... cela te dirait d'apprendre le français à ma plus petite, elle a 9 ans.
- Waouah ! Ouais, j'adorerais !

Juste avant le départ pour Boston. Toute la famille !
Et c'était scellé, le deal était fait. Avant Halloween, je serai chez eux, pour X temps avec comme objectif de frenchiser toute la famille ! Je l'accompagne, elle, sa mère, et sa grand-mère, sur le chemin du retour, ils prennent un avion depuis Boston jusqu'à Dallas.
Après une photo souvenir avec toute cette famille rencontrée, une tape amicale dans le dos de mon bienfaiteur Nicolas, qui, sans le savoir a déclenché on ne sait combien de conséquences en me reconnaissant, et me voilà dans les rues de Boston, à nouveau seul.

New-York, Broadway, en direction de Times Square
A vrai dire, cela fait du bien. Après avoir pris la décision de quitter le trail, et ces rencontres nombreuses et intenses je n'avais pas eu le temps de vraiment penser à moi. A cette décision. Aucun regret, j'étais juste bien. Heureux, avec l'agréable sensation d'être juste là où je devais être.
Je passerai le reste de la journée à aller, de bus en bus, dans des magasins. Premier investissement, un lecteur de livres électroniques pour 70 $. Avec cette petite merveille qui tient plusieurs centaines d'heures de charge, je me trimbale d'ores et déjà avec 20 livres dans mon sac. Quel plaisir ! Lire sans limite, sans contrainte de place ou de poids, le bonheur ! Depuis l'achat, soit 5 jours, 3 livres entiers sont déjà passé sous mes yeux... et pourtant, dieu sait que j'ai été occupé !
Après cet achat, je me procure un guide Lonely Planet de tout l'est des USA ainsi qu'une carte routière uniquement concentrée sur cette région.
Pourquoi simplement là ? Parce que je pense ne visiter que cette partie du pays, m'arrêter à Dallas quelque temps, pour reprendre ensuite ma route vers le continent sud-américain à travers la Floride et les Caraïbes.

Ça fait tache ! C'est ça qu'est bon !
En fouillant le guide, je me rends compte combien je suis proche de New-York. Et même si je n'aime pas les villes, je me dis que je n'aurai pas d'autres occasions avant longtemps de remettre les pieds dans ce coin du monde, et que cela serait bête de rater cela. Rien que pour enfin avoir des "vraies" images de ce qu'est Central Park ou Time Square, je me rends à la station de bus de Boston.
- Plus de billet pour cette nuit, Sir, il faut attendre le prochain départ de demain matin 8 h, me lance le guichetier fatigué par une journée de travail que je devine longue et ennuyeuse.
Avec le ticket en main, j'ai l'autorisation de dormir à même le sol de la station de bus... finalement, sur le sentier ou non, rien ne change vraiment !

Buildings, forêt, lac, gondoles, 
accrochez-vous, vous êtes à New-York 
et c'est complètement normal !
5 h de route plus tard, et me voilà dans la ville. On nous fait débarquer à trois blocs de Times Square. Je vous dresse le tableau de la cocasserie de la situation : un bonhomme en short, Tshirt jaune sali par la transpiration de ses journées de marche, des chaussures de randonnées terreuses aux pieds, un gros sac à dos rouge sale auquel est accroché un tapis de sol ridé par 4 mois d'utilisation... à New York, sur Broadway Avenue, en plein milieu de Times Square. Ça fait tache. J'adore !
Manhattan est comme on le décrit. Démesuré, gigantesque. Les arbres sont remplacés par des hautes tours d'aciers et de béton qui plongent certaines rues dans une pénombre quasi continue. Du monde. Des gens de partout. Beaucoup d'ethnies différentes se côtoient. On entend de l'anglais aux accents différents, de l'espagnol, du mandarin, du japonais, du français aussi. Bref, on a comme l'impression d'être dans un lieu où on aurait compressé le monde, où toute la diversité de l'humanité serait en voie d'être rassemblée en un seul point.

La statue et un fantôme...
D'un côté, je trouve cela fascinant. Mes rêves d'une planète sans frontière divisant les peuples deviennent à chaque fois réels lorsque je me balade dans ces cités transnationales. Mais lorsque je vois ce qui les abrite, mon cœur se serre. Comment peut-on vivre dans un cadre gris, métallique, où les fenêtres reflètent à l'infini la perspective d'autres buildings ? J'arrive à le comprendre... difficilement.
Times Square, ce lieu symbolique, croisement de deux avenues marchandes où ce qui se fait de "pire" dans notre monde capitaliste s'étale en trois dimensions. Impossible de le rater. Sur des dizaines de mètres de hauteur, et centaines de long, les écrans clignotants s'excitent, s'acharnant à vous attirer le regard, vous mettre en tête qu'il faut CONSOMMER ! Je suis vraiment dégoûté et me sens vraiment mal à l'aise.  J'ai vu. Je n'y reviendrai plus.

Le musée d'histoire naturelle
Ma route vers mon hostel me fera longer Central Park. Ce poumon vert, sans lequel, à mon sens, les êtres humains de cette ville deviendraient fous, me redonne le sourire. J'en viens à apprécier les environs.
Je passe devant le Musée d'Histoire Naturelle, qui, avec la ville dans son ensemble est la seconde et dernière raison qui me décidait à passer une nuit ici. Cela sera pour demain. Au programme de ce soir, trouver un endroit où dormir, et redescendre à travers le parc jusqu'à l'extrême sud de Manhattan pour grignoter un truc en regardant la statue de la Liberté.

Au cœur de Central Park
Dans le parc, je croise le regard d'un SDF assis sur un banc. La conversation s'engage et je me retrouve à faire du social en plein New-York. Donner un coup de pouce, un encouragement, un peu de cet enthousiasme que je crois communicatif à cet homme. Cela me permettra d'en apprendre plus sur "la vie new-yorkaise", d'un point de vue... disons... qui en a vu des vertes et des pas mûres.
J'espère de tout cœur que notre petite discussion l'aura aidé d'une façon ou d'une autre à s'en sortir, je l'espère vraiment pour lui.

Rapide résumé de la situation...
Je continue mon chemin, m'enfonce dans ce métro où nombre d'événements des histoires de mes précédentes lectures s'y sont déroulées. Je descends droit au sud. Je ressors à deux blocs de l'ancien emplacement du World Trade Center, remplacé maintenant par un grand chantier, et un peu plus loin, un memorial-musée. Un pincement au cœur me prend,  tout ceci devient très réel, toutes ces personnes mortes ici, en ce 11 septembres 2001, en direct, alors qu'à des milliers de km de là, un jeune garçon de 11 ans regardait, dans son salon, médusé, tentant de comprendre avec son imagination d'enfant ce qu'il se passait. Si loin, si proche.

La nuit est tombée et la statue de la Liberté rayonne sur la baie. Drôle de moment de me retrouver face à ce symbole de liberté à la veille d'une nouvelle phase de mon voyage. Cette étape où le randonneur laisse la place au voyageur libre, avec pour seul objectif le sud approximatif de sa boussole.

Le hall du musée qui ne veut pas de moi...
Le lendemain, le programme est simple : visiter quelques heures le musée d'histoire naturelle et reprendre un bus pour quitter la ville en direction de la côte du New Jersey. Côte Est qui me servira de fil rouge pour atteindre le Texas, dans un peu plus d'un mois.
Aux portes du musée, une fouille quasi similaire à l'entrée dans un avion m'oblige à expliquer avec mon plus beau sourire pourquoi je charrie une bouteille de gaz, des couteaux et autres trucs de terroristes. Finalement, je crois que la longueur de la file d'attente qui s'étendait pendant que je causais plus que mes arguments pas très convaincants décide le gardien de me laisser entrer. Mais avant, je devais déposer mon lourd sac à la consigne... sauf que la "consignatrice" n'accepte pas la nourriture dans les sacs... et j'avais la moitié d'une épicerie sur mon dos...

Fâché, en colère contre ces règles à la con, je quitte les imposantes portes de ce musée, bien décidé à quitter cette ville qui ne me retient pas.
Le premier bus me dépose à Atlantic City, un genre de Las Vegas de la côte est, en bien plus petit mais tout autant débile. Je ne m'attarde pas et prend un bus quelques minutes plus tard sur la côte sud, un peu moins peuplée. Mon objectif, la ville de Wildwood que j'imagine, comme son nom l'indique, bien plus petite... Une heure plus tard, en fin de journée, j'aperçois vers quoi je me rends : buildings, touristes... à perte de vue ! Je n'attends même pas d'être à la station de bus de la ville, en son plein cœur, pour sauter hors du bus au premier arrêt, à l'entrée de celle-ci... et je tends  le pouce, enfin !
J'ai utilisé les bus pour quitter la gigapole car dans ce genre de grosse cité, le pouce y est difficile, plus dangereux et vraiment interdit. Mais cela me manquait, et voir tous ces kilomètres disparaître sous les roues de ce véhicule rempli à ras bord mais où personne ne rentre en contact avec son prochain, me donnait l'impression de rater autant d'occasions de rencontrer des gens formidables.


Kevin !
Ainsi, à nouveau sur le bord de la route le pouce au vent, je me sens presque revivre, et je n'aurai pas à attendre longtemps pour que le miracle du pouce s'abatte encore sur moi.
Il s'appelle Kevin, 50 ans, homme bricoleur à tout faire, habitant à Cape May à 30 minutes d'ici ; il passe par là rarement... mais il suffit d'une fois !
Nous étions mardi, et seulement aujourd'hui nos routes se sont séparées dans cette bibliothèque de sa ville.
Entre temps, en échange de son toit, je l'aide sur différents travaux : construire une table de pique-nique, installer des gouttières, nettoyer les soubassements d'une maison. C'est fun, et cela fait encore d'autres compétences manuelles !
Entre temps, deux univers se rencontrent. Kevin est un catholique croyant et pratiquant comme beaucoup d'Américains. Mais là où certains se font enfermer par des rituels, des dogmes, celui-ci est très ouvert à mon esprit cartésien, scientifique. Et durant nos longues discussions qui s'étendront tard dans la nuit, nous réaliserons combien, finalement, le message de base reste toujours le même, seul le vocabulaire pour le décrire change. Cela sera encore une de ces rencontres où deux personnes ressortent de cet échange grandis. Où, comme de vieux amis, ces derniers ont parlé a cœur ouvert, tout naturellement.

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(la bibliothèque ferme ses portes... je dois y aller. La suite pour bientôt je l'espère avec des photos !)

Programme pour les prochains jours : rejoindre les environs de Philadelphie et m'arrêter dans le territoire des Amish pour découvrir leurs façons traditionnelles de vie.
Reprendre ensuite la route tranquillement au fil des rencontres avec un dernier objectif avant Dallas : la Louisiane, avec New-Orleans et surtout les petites villes de ce territoire peuplé par les descendants des Acadiens, déportés ici par les Anglais, on les nomme les Cajuns.

A bientôt !

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