vendredi 19 juillet 2013

Jour 22 (Zero day) - Amqui - 443 km

A que recoucou !

Ce coup-ci, je vais avoir un peu plus de temps pour vous narrer mes aventures au cœur du bois Gaspésien. Après une nuit au motel de Saint-René-de-Matane, je viens de faire du pouce jusqu'à la municipalité d'Amqui pour y trouver sa bibliothèque et ordinateurs bienfaiteurs.

Je prends donc une journée de repos ("zero day" comme ils disent aux US t'as vu aiiiie !) avant de m'en retourner quelques km plus haut, ce soir, au village de Saint-Vianney sur le sentier.

Par où commencer... peut-être par le début !

Sur les crêtes des Vallières !
Je quitte le Sea Shack en compagnie de Felix, le fada de montagne en direction  des fameuses Vallières, chaînes de monts de 800 m et des patates de haut, où, à la différence de nombre de montagnes du coin, on ne trouve pas de plateau au sommet. Ainsi, on se balade sur la ligne de crêtes de 2 m de large la plupart du temps, magnifique !

Au retour, il me dépose au gîte du Mont Albert, où de là j'attaquerai le lendemain mon ascension.


Le gîte du Mont Albert, en bas à droite, durant l'ascension
du Mont Albert (mi-chemin)
Je me mets en règle vis-à-vis des droits d'accès et de couchage pour "La grande traversée" (c'est comme cela qu'il l'appelle). Et très vite, j'apprends que tout le personnel du parc était à ma recherche depuis ma balade du Jacques Cartier (soit il y a 3 jours) ! Sur un malentendu, il semble qu'un des garde ait compris que je comptais traverser le parc sans payer... autant vous dire qu'on ne rigole pas avec ça !
Ainsi, les pages de mon blog ont été imprimées et distribuées avec ma face en gros, histoire d'être connu comme le loup blanc : et cela a bien marché ! A chaque fois que je rencontrais quelqu'un du parc, j'avais droit à "Ah c'est toi !"... Oups, désolé messieurs-dames de vous avoir causé autant de soucis pour rien. Car si en effet, j'avais pensé à un moment à traverser sans payer, j'ai considéré finalement que l'investissement en valait la peine, et ce même si cela trouait mon budget... tant pis pas de poutines pour deux semaines !

Sur le plateau du Mont Albert, direction l'ouest !
Mais au moins, on sait aussi que l'on est suivi à la trace et qu'en cas de souci, il y a du monde derrière ! Merci à vous donc, tout de même, pour l'encadrement et le travail formidable que vous faites, chaque jour, pour la préservation de ce magnifique endroit.

Ainsi, au matin du premier jour, c'est rempli d'énergie que j'attaque, avec entre 15 et 17 kg sur le dos, l'ascension, face nord, du Mont Albert. 800 m de dénivelé sur 3 km : ouch ! Mais on le fait, et on oublie la douleur rapidement (c'est d'ailleurs le même constat que je fais chaque soir et matin : à chaque journée sa peine, mais à chaque nuit, on oublie !).

J'y suis !
On débarque d'un coup sur le plateau désert du Mont Albert : époustouflant ! Ensuite, le sentier nous fait descendre dans la vallée, pour mieux remonter immédiatement dans les cailloux (on évite de franchir le plateau, protection faune-flore oblige). Et cela sera de même chaque jour : des montagnes russes... mais récompensé à chaque fois par des paysages hors du commun.

Mon arrivée au premier site de couchage, le camping du lac Cascapédia, se fera tard, ce qui me permettra de rencontrer mon premier orignal, et quelle rencontre ce fut !
Le fameux bébé aveugle.
Je tombe nez à nez sur un bébé de deux semaines, à 5 m de moi, en plein sur le sentier. Je m'asseois et l'observe calmement pendant 10 bonnes minutes : il ne bouge pas. Je décide de m'approcher et de continuer ma route. J'irai presque jusqu'à le toucher avant de me rendre compte qu'il était aveugle ! Ses yeux était d'un blanc nacré telle une cataracte, et c'est aussi à ce moment-là que je verrai sa mère, 10 m en contrebas qui observait la scène. Je me demande encore s'il y avait un risque de charge protectrice : je suppose que oui, mais toujours est-il qu'il ne se passa rien. En discutant avec le tenancier du camping j'apprendrai des détails sur ce petit, aveugle de naissance apparemment, il parlait de l'opérer peut-être s'il survivait encore. (Un bonjour au passage, je sais que tu me lis, dès que je le peux, je t'envoie ces photos !)

Le Mont Logan à 1h de marche !
Par la suite, ma balade me mènera jusqu'au Mont Logan, plus haut sommet (1170 m), du parc après Jacques Cartier. Mais avant d'y arriver, je devais marcher déjà 20 km. Je rencontre, en chemin, Pascale et Daniel (Simon, tu rencontras, avec ton ami, Daniel d'ailleurs dans le parc toi aussi !) et Michel et Louise, qui, entre leurs petits cadeaux calorifiques et surtout leur bonne humeur me transmettront une énergie qui me poussera à marcher 32 km dans la journée malgré des dénivelés de phacochères entartinés, et ce, surtout après le Mont Logan. C'est d'ailleurs lors de l'arrivée à ce dernier, que je fais la rencontre avec Mon caribou ! Mon premier et certainement unique du Québec ! À 100 m de moi d'abord sur le chemin, je me planque dans les fourrés. Il s'approchera pendant 10 minutes, pépère tranquillou, avant de me repérer tout penaud à 5 m de moi, et de s'en aller avec cette allure vraiment amusante du bonhomme frustré mais fier. A voir, dès que je peux, je vous mettrai vidéos et photos. 
La version au dessus !

Bref, toujours est-il, qu'après ces rencontres, humaines et fauniques, les Mont Fortin et Collins, malgré leurs difficultés ne me feront pas flancher et ce même si le sentier vous fait emprunter des passages vraiment pas faciles. La rencontre avec 5 orignaux, sur les coups de 20 h (l'heure où ils sortent, car aucun randonneur sain d'esprit continue de marcher à cette heure-là... normalement), finira de clore une journée bien remplie !

Le lendemain, avec la fin du Parc national de Gaspésie, une grosse étape est franchie pour moi, comme si, à partir de maintenant, dans la réserve faunique Matane, cela en était fini des grosses côtes : ha ha ha... ben non.
Bien au contraire, direct ensuite, on attaque avec la montée, ou devrais-je dire, escalade du Mont Nicol-Albert, où heureusement, des cordes ont été installées pour pouvoir y grimper : nan mais vous êtes malades les mecs du SIA !
Un caribou - "on est repéré mon capitaine"
Je mettrai 3 h pour marcher péniblement les 6 km, mais je l'ai fait ! Ensuite, c'était de la balade de santé me disait ma carte : on va pouvoir rattraper le "retard" et filer dare-dare à travers les fougères qui m'arrivent à mi-poitrine !
Et cela sera justement le problème... le Mont Bailey ne sera fait que de ça, et la signalisation insuffisante, accompagnée d'uen grosse présence de sentiers d'orignaux me fera perdre le sentier complètement, à 4 km d'arriver. "Boaa" - que je me dis " si je file tout droit je vais finir par retrouver mon lac"... tsss gros débile, tu sais que cela marche jamais ça, et que ce qui fait se perdre les gens, c'est justement l'incapacité de remettre en question le schéma mental établi... et bien, même en le sachant, en l'enseignant, en l'ayant déjà expérimenté plusieurs fois, fatigué et pressé d'arriver, je fis l'erreur tout de même.
Du sommet du Mont Logan.
On vient de d'là ! Au fond, au centre, le Mont Albert !

2 h à descendre la montagne dans des endroits impossibles, obligé parfois de lâcher le sac pour mieux désascalader, heureusement, je pourrais souvent suivre les sentiers d'orignaux (parfois mieux "entretenus" que le SIA lui-même ^^) jusqu'à la salvatrice rivière qui devrait, si je la remonte, me mener au lac. Sauf qu'une fois arrivé : je suis incapable de me situer précisément sur la carte, malgré la boussole. Il est déjà 19 h, et après une reconnaissance en amont et en aval (je trouverai un bois d'orignal dans la rivière à ce moment-là, je le trimballe sur mon dos depuis !), je décide de poser le camp, pour plus de sécurité et d'y réfléchir à tête reposée.

Les débuts de la réserve faunique de Matane,
sa grimpe, mais c'est beau !
A ce moment-là, j'avais conscience d'être perdu et dans une situation à risque ; toutes les petites loupiottes d'alerte étaient dans l'orange. On fait le bilan : quel est le risque principal ? J'ai de l'eau à proximité. J'ai de la bouffe pour plus de 10 jours en me rationnant. Je suis équipé pour du -5 degrés. En résumé, le plus grave serait une blessure handicapant ma motricité. Le classique CVMD (merci les stages de survie de David Manise). Conclusion : au lendemain, je prends plus de temps mais assure énormément mes appuis, m'aidant de mes bâtons, dans ma glissante progression sur les cailloux de la rivière... pendant plus de 3 h !

En effet, j'étais bien plus loin que prévu, mais au moins j'avais décidé d'aller dans la bonne direction... je ne suis pas encore une taupe en topographie- orientation. Mais c'est, non pas le lac visé, mais une route forestière qui me ramènera en sécurité en fin de matinée.

Ainsi, cette expérience en restera une bonne, car elle se finit bien, mais cela aurait vraiment pu se finir autrement. Le mec perdu est complètement con, même si plus fort physiquement qu'à l'habitude (en tous cas, au début), et ce grâce à l'effet chimpanzé. Ce fut d'ailleurs impressionnant, encore une fois, de ressentir comment toutes les douleurs de la journée (20 km de marche avec de grosses côtes) ont disparu instantanément au moment où j'ai pris conscience d'être dans la merde.
Juste avant de me perdre.
Persuadé d'être presque arrivé...maudites fougères !
Con comme un singe, il faut donc se méfier de tous ses comportements, et juger à deux fois toutes nos actions. En y repensant, même ainsi, je juge être passé dans des endroits vraiment pas safe, qui auraient mérité un détour...

Mais bon, le sang-froid donné par l'expérience d'une situation plus ou moins similaire, et l'apprentissage via stages et discussions sur la question ont permis d'assurer mes fesses, une fois de plus. Merci à tous, vous m'avez bien aidé dans cette affaire !

Je finirai la journée tout de même là où j'avais prévu au départ, après encore plus de 25 km + la distance parcourue dans la pataugeoire...

Cet événement cassa un peu mon rythme et mon mental et je mis du temps, la journée suivante, à me remettre dans le bain. Une averse matinale, détrempant toute la végétation (maudites fougères !) n'y aidant pas. Néanmoins, la réserve faunique se termina la journée d'après, et il était grand temps : plus de bouffe ! Ou en tout cas, plus de sucrerie : et le sucre, c'est la vie ! J'aurais pu étirer les rations, mais cela allait bien comme cela.
C'est en finissant avec 20 petits km et 5 orignaux que je dirai au revoir à cette réserve qui me réserva plus d'épreuves que je ne l'aurais imaginé ! 

La fin ! Je la vois !
A partir de maintenant, on réduit les distances, 20 km max, et on prend son temps ! On profite ! Je vais, jusqu'à Matapédia, dans 8 jours, jamais dépasser les 3 jours d'autonomie, donc, c'est la fête au village des papilles !

D'ailleurs, je vais vous laisser : un maxi hamburger + grosse poutine m'attendent quelque part ! J'en ai tant rêvé durant cette traversée qu'il est temps de réaliser mon rêve !

N'empêche, demain cela fera 3 mois que je suis au Québec ; dans 8 jours, 1 mois que je suis sur le sentier... une pointe de nostalgie me touche parfois. Vous me manquez tous, qui que vous soyez ! Les gens, les rencontres m'ont manqué face aux épreuves de cette traversée, j'ai hâte d'être aux USA pour croiser plus de monde !

Allez, j 'ai vraiment faim, portez-vous bien les copains ! :D

Des photos dès que je peux !

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