dimanche 28 juillet 2013

Jour 30 - St André de Restigouche : 624 km (Zero week)

Salut à tous !

Et bien voilà, j'y suis, un mois, jour pour jour après mes premiers pas me voilà à la fin de ma première grosse étape. Je viens de traverser la Gaspésie en entier, pari tenu !

Oh, à vrai dire, la réelle fin est à Matapédia, quelques 15 km plus loin, et j'y serai si la providence, maintenant devenue presque habituelle dans mon voyage, ne m'avait retenue dans ce charmant village de quelques 180 âmes, perché sur les plateaux de la vallée de Matapédia. Bon, retenu est un grand mot... disons que je l'ai bien cherché ! Mais avant, laissez-moi vous raconter ces quelques derniers jours.

Ma dernière journée de repos se passa comme prévue. Après avoir posté mon message depuis Amqui, les indications de la bibliothécaire et le lift d'une cliente ayant participé à la discussion me dépose devant la "meilleure poutine de la ville" ! Merci à elles, c'était effectivement succulent, et surtout après ces quelques jours de rationnement !


"En souvenir d'une journée, où perdu sur le Sentier,
je finis par retrouver mon Chemin"
Je posai le sac dans le village de Saint-Vianney, où, de là, j'allais retrouver mes petites pancartes bleues et blanches le lendemain. Je laisserai dans le gîte le bois d'orignal trouvé lors de ma "perdition", comme une tentative de laisser le mauvais sort derrière moi.
La suite du sentier n'avait, et ce n'est rien de le dire, rien à voir avec ce que je venais de vivre pendant 10 jours : plat...plat, et un peu plat parfois. A emprunter quasiment que des chemins forestiers, et avec seulement quelques collines vite négociées. 

Mon quotidien
Autant dire que la transition est brutale. Pour autant, cela permet au corps de se reposer, et je ne m'en plains pas. De plus, une boule au ventre m'accompagnait depuis quelques jours. Comme une baisse de morale, de motivation. Rapidement, elle grossit, et sans de gros efforts qui occuperaient mon esprit, mes pensées divagues et gambergent à me rendre nostalgique...tanné...j 'en avais marre de marcher. Vraiment !

Marre d'être seul, en fait, principalement. Marre d'affronter seul les épreuves, marre de poser le camp seul, de manger ma tambouille peu réjouissante seul, marre de me réveiller seul avec une autre journée d'effort devant moi, seul.
L'idée que j'avais enfin trouvé ce que je cherchais en partant voyager et qu'il était temps d'arrêter l'aventure me traversa sérieusement plusieurs fois la tête.

Mais où sont le chapeau de paille et l'herbe dans la bouche ?

Malgré tout, quelque chose me retient. Quand je sondais mes tripes, le message n'était pas clair. Ce n'est qu'un cap me dis-je, une montagne de plus à gravir, mais qui s'avéra, je crois, encore plus difficile que les précédentes. Car, si j'ai compris quelque chose durant ce court périple, c'est que tout ou en tout cas le principal se joue dans la tête. Je n'ai jamais trouvé aussi dur de mettre un pied devant l'autre avec un sac de 13 kg, lors de l'ascension d'une petite colline sur un chemin parfaitement entretenu que l'ascension du Mont Albert avec 5 kg de plus et le triple de dénivelé à avaler. La seule différence est que dans l'une des solutions, la motivation et l'état d'esprit étaient là.

La vallée de Matapédia dans toute sa splendeur

Finalement, ce que j'analysais comme un cap à passer ne se révéla effectivement qu'une étape.
Pour trouver la volonté d'avancer : les livres. Je me plongeai à cœur perdu dans la lecture d’œuvres pas toujours folichonnes d'ailleurs, mais qu'importe, mon esprit se concentrait sur quelque chose d'autre que le malaise passager, jusqu'à reprendre la marche. Et ainsi de suite. Je fis même du pouce depuis Causapscal jusqu'à Amqui (encore) pour recharger en munitions. Un coup de fil à la maison plus tard, qui me permit de partager cet état d'esprit, et la motivation revint comme par magie, aussi naturellement qu'elle m'avait quittée.

C'est comme si cette "grande traversée" m'avait épuisée mentalement et qu'il me fallait du temps pour recharger les batteries. Mais, à la veille de me lancer sur 3 jours d'autonomie, composée de petites étapes (jamais plus de 20 km) jusqu'à Matapédia, celles-ci étaient à nouveau à bloc, et ni la grisaille ou la pluie, qui m'accompagnèrent la majorité du temps, ne viendront ébranler cette volonté retrouvée. Le chemin continue !

Le lac Matapédia, juste avant le gros orage
Dans les anecdotes rigolotes : un soir, sur les berges du lac Matapédia, je pose le camp dans la lisière du bois qui jouxte la plage de cailloux. De l'autre côté, je vois arriver de gros nuages qui déversent déjà leurs eaux sur la campagne. Vite, vite, je tend le tarp alors que les premières gouttes me tombent déjà sur le pif. Le tarp est tendu, convenablement ajusté avec le hamac, je me prélasse à l'abri... à lire un livre.
Et puis soudain, le vent, inexistant jusqu'alors se lève et arrache toutes mes accroches d'un même coup. Je me retrouve à la merci d'un véritable torrent de flotte qui pointe le bout de son nez en même temps. Autant dire qu'en 5 secondes, j'étais détrempé. Heureusement, mes affaires sont à  l'abri dans leurs sac étanches respectifs. Je lutte une coupe de minutes, tentant de rétablir le tarp : impossible, le vent est trop fort et contre moi. Pas le choix : à 5 minutes d'un camp de vacances pour jeunes, je rapatrie toutes mes affaires dans ce que je découvrirai, plus tard, être la salle de repos des moniteurs.

Trempé jusqu'au os, avec mon seul Kway sur moi, en sandales... je commence à avoir froid. Je vais quérir l'autorisation de m'abriter le temps que cet orage passe. L'aide que je demande m'est chaleureusement offerte, et bien plus encore ! Je dormirai au soir au chaud dans l'infirmerie du camp. Mes affaires seront passées à la sécheuse, et j'accompagnerai les moniteurs en fin de journée au magasin d'Amqui (again) pour un barbecue et une soirée arrosée ! Au final, encore une rencontre fortuite mais ô combien joyeuse !

C'est grâce à ce genre de rencontres que j'ai tenu jusqu'au retour de ma motivation.

C'est froid !
Elle revient donc, dans le village de Sainte-Marguerite, alors que je m’élançais joyeusement sous la pluie
pour une traversée de 3 jours le long de ruisseaux, niché dans leurs canyons respectifs. Les étapes étaient courtes, et des refuges m'attendaient à chaque fin de randonnée : tout confort ! Plusieurs fois l'on traverse à gué les rivières, vraiment pas chaudes, mais je ne compte plus le nombre de ponts magnifiques et fonctionnels que les bénévoles du SIA ont construist pour nous. Merci, encore !

Une surprise m'attendait dans le refuge "le Quartz", ancienne cabane de chasseur, faite de bois rond et rénovée par les bénévoles du SIA. Dans l'intérieur rustique qui fait vibrer plus que jamais mes représentation du "Canadian Dream", j'ouvre le livre d'or que l'on trouve habituellement dans les abris. Les marcheurs y laissent des commentaires, des remerciements, des indications, leurs humeurs et ressentis. Ceci est vraiment divertissant, c'est d'ailleurs souvent la première chose que je fais lorsque je pénètre dans ces endroits.

Le refuge "le Quartz", ancienne cabane de chasseur, rustique !

Celui-ci datait, quelques pages jaunies sont volantes, je les mets de côté, remontant d'année en année. 13, 12, 10, 2009 ! "Eh mais 2009, ce ne serait pas l'année de la traversée de Simon !?" Je me mets à chercher frénétiquement, à déchiffrer des écritures illisibles...rien. Déçu, je ferme le cahier... puis mon regard se pose sur les deux pages volantes que j'avais précédemment écartées. Tu étais là "Sim", précédé d'Adam qui avait continué plus loin, alors que toi, décidais de rester là pour "réparer" ta cheville souffrante. J'ai sauté littéralement de joie, une banane d'enfant pendue au visage. Simon, pour ceux qui n'ont pas suivi l'affaire, c'est l'auteur du blog unelonguemarche.ca. C'est à travers lui que j'ai découvert le sentier des Appalaches au Québec : il m'a donné nombre de conseils précieux durant ma préparation. Mais bien plus que cela en fait.


Le trail book en question !

Simon, tes aventures ont nourri mon rêve de voyage, puis ma préparation pendant des mois sinon presque deux ans. C'est à travers tes mots que j'imaginai ce qu'allait être peut-être ma réalité. J'ai littéralement vécu un SIA à travers toi. Les mots sont forts, mais c'est la sensation que j'en ai.

Ainsi, retrouver les traces de ton passage dans ce lieu dont je m'imaginais tant bien que mal les contours, il y a de cela plusieurs mois... pfff... c'est quelque chose sur lequel je n'arrive pas à mettre de mots dessus. Entre une joie totale, une brutale prise de conscience de ma réalité et du chemin parcouru pour en arriver là.
Bref, c'était fort en émotion ! :) Merci Simon !

Et puis vient l'heure de ressortir du canyon sur les hauteurs du plateau de Saint André de Restigouche  pour m'en aller, jusqu'à Matapédia et ce qui devait être ma dernière journée de marche (26 km) avant quelques jours de repos dans cette dernière.
Je me réveille beaucoup plus tôt que d'habitude, comme si mon esprit était impatient déjà d'être arrivé. En 2 h 30, j'avale les 11 km qui me séparaient du village. Là je trouve un dépanneur plutôt atypique puisqu'il servait également de restaurant. Trempé par la pluie, un déjeuner n'était pas de refus, le temps de se sécher... et puis il y avait du monde à l'intérieur...
Rapidement, comme à l'habitude, la discussion s'enclenche avec mes voisins de table. Et patati et patata... " et vous sauriez pas où je peux trouver des livres ?" "Viens avec moi, je vais t'en donner moi des livres !". Ha ha...j'adore ce voyage !
Pierre, la soixantaine, m'embarque dans son pick-up vers sa maison un peu à l'écart du "bourg". Acheté en 2005, cette veille ferme était à l'abandon depuis une coupe d'années. Il se met à la rénover comme neuve, elle, les granges et autres poulaillers environnants. Les photos avant-après qu'il me fait découvrir dans son salon son saisissantes : ce monsieur a des mains en or !

J'aurai droit à une visite de la propriété et des environs, l'histoire du village. Je m'imprègne des réalités de la vie d'ici. Je me trimbale encore mes vieilles chaussettes de Tadoussac (3 mois de trips !), un espèce de défi à la con : " je les mènerai jusqu'à Matapédia". Bon, leur état était vraiment pitoyable, les doigts de pieds étaient tous aux quatre vents, les talons aussi... autant dire que j'ai dû faire un peu pitié à mes hôtes... et pan deux paires de chaussettes en laine données de bon cœur ! Et puis vient les livres. Des condensés de livres en fait, genre 4 bouquins aux styles et thèmes variés en 5 à 600 pages au format proche du pocket. J'en pris trois parmi la quinzaine qui s'étalait devant moi... ce n'est que la perspective de devoir porter 2 kg de papier qui m'arrêta !
Puis nous prenons le café en compagnie de sa femme. "Et qu'est ce que tu fais dans le coin ?" " Ben, la je prévois de rester quelques jours dans le coin, chez quelqu'un en échange de mes bras... d'ailleurs vous ne connaîtriez personne d'intéressé ?" "Ben si, moi : à partir de mardi, mon fils repart aux USA et je pourrais t'héberger, y'a la porte de la grange à changer...".

J'adore ce voyage.

Ainsi, à 12 h 30, 5 h à peine après mon départ matinal, je rejoignais le gîte du village, en attendant mon bienfaiteur le lendemain. Au programme, fête au village ! C'est entre deux activités que je profite de croiser la gérante de la bibliothèque pour venir vous faire un petit coucou.

Quand j'étais au refuge du Quartz, au cœur du canyon, j'ai écris dans mon journal. " Je prévois de rester quelques jours à Matapédia. Je fais confiance à la providence, je n'aurai pas à chercher longtemps."

Je n'ai même pas eu le temps d'atteindre la ville !

Ainsi, je pense rester là une semaine maximum, et puis, ensuite, départ sur les routes du New Brunswick, adieu Québec. 270 km dans cette province, puis je franchirai la frontière des USA, pour encore 160 km jusqu'au Mont Katadhin, fin de la partie internationale du sentier qui rejoint, au pied de ce mont ,le Sentier des Appalaches. L'un des plus vieux et plus difficiles sentiers de l'Amérique du Nord. De là, il me restera 3500 km. J'y serai dans 1 mois.

A bientôt à tous !

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